Je ne vous apprends rien en disant que notre pays entre aujourd’hui dans la première étape d’un déconfinement progressif. Etape ô combien délicate, qui fait appel à notre civisme et à la maîtrise de soi : commencer à retrouver des proches qui n’habitent pas sous le même toit que soi, mais en choisissant qui (4 personnes maximum !) et en gardant ses distances (pas d’embrassades !)… On devine que ce ne sera pas facile, surtout en ce dimanche de fête des mères !
Cette expérience humaine très particulière, à la fois réjouissante et peu confortable, puisera sa force et sa juste mise en oeuvre dans ce double sentiment : l’impatience de nous retrouver, et l’amour que nous portons à nos proches, un amour authentique qui nous fait rechercher leur vrai bien et le nôtre –ce qui implique pour l’instant de garder ses distances.
A bien y réfléchir, c’est exactement ce genre d’expérience que vit le croyant chrétien dans sa relation avec Dieu, tant que dure son parcours ici-bas : un désir de plénitude dans la rencontre, et la souffrance de ne pouvoir encore l’éprouver. Les théologiens parlent d’une tension entre le « déjà-là » du Royaume de Dieu et le « pas-encore » de son accomplissement…
Pour tenir le coup dans cet inconfort, il ne suffit pas d’avoir envie de retrouver celui ou celle qu’on aime ; il faut encore que celui ou celle-ci ait également le désir de nous retrouver, qu’il ou elle nous le fasse savoir et même sentir…
C’est sous cette perspective que je vous invite à lire l’évangile de ce dimanche (Jean 14, 1-12) https://www.aelf.org/2020-05-10/romain/messe . Jésus parle ainsi au soir du jeudi saint. Il évoque son départ (sa mort sur la croix) comme un voyage pour aller nous préparer une place ; et quand il aura préparé la place, il reviendra et nous emmènera auprès de lui, « afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi ». Ces paroles valent vraiment la peine d’être accueillies dans notre coeur. Car elles nous apprennent qu’indépendamment de notre désir du Christ (du reste bien aléatoire, selon nos jours et nos humeurs !), le Christ, lui, ne cesse de nous désirer !
Le rayon de soleil qui illumine la vie de quelqu’un et lui permet d’avancer, c’est lorsque celui-ci sait qu’il est attendu, parce qu’aimé pour lui-même… Ce désir, c’est celui que le Christ continue sans cesse de nourrir à notre égard, et c’est pour cela que nous lisons les chapitres 14 à 17 de l’évangile selon St Jean durant le temps de Pâques : Jésus nous y dit ce qu’il est en train de faire et de souhaiter pour nous maintenant, tant que nous cheminons ici-bas, avant le jour à venir de la rencontre plénière.
Qui veut poursuivre cette méditation pourrait s’intéresser à la suite de l’évangile de ce jour (versets 8 à 12), en partant de l’idée que Jésus lui aussi, en affrontant sa passion et sa mort, se sait attendu par son Père, avec qui il ne fait qu’un dans l’amour. Sa résurrection, c’est l’heure des grandes retrouvailles, là où l’humanité de Jésus est accueillie dans les bras du Père. Et le plus formidable, c’est que Jésus dit clairement que c’est à cette même destinée que nous aussi sommes promis. Oui vraiment, il est « le Chemin, la Vérité et la Vie ».
Tant que nous marchons ici-bas, la demeure qui nous est accessible, c’est l’Eglise. Ecoutons l’apôtre Pierre :
« Bien-aimés, approchez-vous du Seigneur Jésus : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle… » (2e lecture de ce dimanche).
Bon déconfinement… sans déconfiture !
Abbé Jean-Pierre Lorette