La Pentecôte était déjà une fête juive : 50 jours après la célébration de la Pâque (la libération de l’esclavage en Égypte), on y fêtait le don de la Loi par Dieu à Moïse sur le Mont Sinaï. En donnant sa Loi, Dieu venait faire alliance avec son Peuple, en lui donnant de quoi vivre pour le bien de celui-ci et être témoin de lui auprès des autres nations. Si vous lisez le chapitre 19 (à partir du verset 16) du Livre de l’Exode, vous constaterez combien cet épisode est solennel : seul Moïse est autorisé à monter sur la montagne sainte ; des éclairs et des coups de tonnerre, ainsi qu’une nuée épaisse annoncent que Dieu descend du ciel. Tout le peuple se met à trembler, dit-on… Ajoutons encore que la fête de Pentecôte célébrait aussi les premières récoltes, les premiers fruits de la terre (et de Dieu) pour que les humains puissent se nourrir durant l’année nouvelle. Et cette fête juive était l’un des trois grands moments de l’année où, de partout, on venait en pèlerinage à Jérusalem.
Sachant cela, le récit de la Pentecôte que nous raconte le début du chapitre 2 du Livre des Actes des Apôtres prend un relief particulier, quant à sa mise en scène. Je vous invite à le lire https://www.aelf.org/bible/Ac/2. Nous ne sommes plus au Sinaï, mais dans une salle de réunion dans une maison (cf. Ac 1, 13) ; les coups de tonnerre et la nuée sont remplacés par un bruit semblable à un violent coup de vent ou encore à une voix qui retentit ; les éclairs sont ici substitués par des « langues qu’on aurait dites de feu », qui se partagent et se posent sur chacun d’eux. Ce dernier détail a une importance capitale : au Sinaï seul Moïse avait reçu la permission de se tenir en présence de Dieu. Ici l’expérience est communautaire, en même temps qu’individualisée. Déjà se réalise ce que Paul nous dit dans la 2e lecture de ce jour : « à chacun est donné la manifestation de l’Esprit en vue du bien », chacun étant membre d’un seul corps. « Baptisés pour former un seul corps, tous nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (1 Co 12, 3b-7.12-13).
Désormais, ce n’est plus une Loi écrite sur des tables de pierre qui est le support de l’alliance avec Dieu, mais son Esprit –et donc sa présence même - agissant au cœur des disciples. Dieu brûle et souffle en eux, et passe à travers eux pour se faire entendre et comprendre dans chaque langue, chaque culture. La Pentecôte fait éclater les frontières d’Israël : l’alliance est désormais accessible à tous les peuples, non pas dans une uniformisation des différences, mais dans une inculturation et une complémentarité. Quel programme, quelle mission pour L'Église naissante !
Dans l'Évangile proposé ce jour (Jean 20, 19-23 ; https://www.aelf.org/bible/Jn/20), Jésus apparaît à ses disciples le soir du jour de Pâques, il leur montre ses mains et son côté portant les cicatrices de sa mise à mort, et il « souffle sur eux » en disant : « Recevez l’Esprit Saint ». Dans une autre mise en scène, c’est la même réalité qui est exprimée : Jésus fait participer ses disciples au souffle de sa résurrection, les envoie témoigner de lui, et leur donne le pouvoir de pardonner ou maintenir les péchés, ce qui est la prérogative de Dieu seul ! C’est bien le signe que l'église naissante n’est pas le club des sympathisants de Jésus, mais son corps vivant dont il est la tête, le sacrement de sa présence continuée pour le monde.
La Pentecôte invite les disciples à sortir du confinement et à oser la rencontre. Il faudra être encore un peu patient pour vivre cela à la Pentecôte 2020, mais cela ne saurait plus tarder. Puisse l’Esprit Saint nous régénérer, pour notre joie et celle de ceux qui cherchent une « bonne espérance » pour leur existence et le monde !
Abbé Jean-Pierre Lorette