samedi saint2020

Attendre…

Si souvent, nous considérions notre époque de consommation et de vitesse par cette expression : « tout et tout de suite ! ». Et voilà, que du jour au lendemain, nous sommes contraints de vivre dans du « rien et pas maintenant ! » Quel contraste saisissant ! Nous voilà entrain de réapprendre à … attendre ! Avec ceci de particulier que les délais ne sont pas donnés, que les contours des semaines à venir sont flous, et que dès lors il est inutile que l’attente se transforme en compte à rebours, comme avant le départ d’une nouvelle course… 

Le samedi saint est, dans la spiritualité du Triduum pascal, le jour du silence et de l’attente. Aucune célébration liturgique, le tabernacle de l’église est vide, l’autel est nu, les cloches sont muettes. Seule la Liturgie des Heures (l’office des ténèbres, les laudes, les vêpres…) rythme la vie de l’Eglise.

En temps normal, ce jour est facilement négligé par celles et ceux qui sont actifs dans la vie de nos paroisses : il est comme un entracte dont on profite pour préparer et décorer l’église pour la célébration de la veillée pascale ou la messe du jour de Pâques ; les intervenants liturgiques répètent chants et lectures ; les prêtres rédigent leur homélie pascale… Or, cette année : rien de tout cela n’est à prévoir !! Le samedi saint nous est rendu dans sa nudité, dans sa radicalité… et sa fécondité. Car il correspond à cette expérience humaine selon laquelle, après les funérailles d’un proche, il faut « faire son deuil ». Intégrer psychologiquement et spirituellement la perte qu’on vient de vivre, aimer l’absent autrement, se retrouver soi-même, réapprendre à vivre. Une foi authentique doit, elle aussi, intégrer l’expérience du silence, de l’absence de Dieu ; une relation à Dieu qui se construit dans l’immédiateté d’un « tout, tout de suite » n’est pas chrétienne.

A propos de la mort du Christ et du deuil que doivent affronter ses disciples, la fécondité du samedi saint va au-delà d’un processus psychologique. Le Christ en son humanité est mort, mais en sa divinité il travaille ! Je pense à cette phrase paradoxale de Jésus : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jean 12,34). Nous en reparlerons demain… Pour l’instant, contentons-nous de songer qu’en mourant, le Christ ne reste pas seul mais qu’il rejoint le fond de notre condition humaine ; et là où il est (au « séjour des morts », comme on dit), il se met à porter du fruit divin…

Attendre, dans la foi chrétienne, cela s’appelle « espérer ». Et espérer, c’est s’accrocher au Christ, en se laissant aimer et entraîner par lui, là où il va…  Voilà la « bonne espérance » à laquelle nous éduque la Vierge Marie.

« La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas … ;  cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire où Jésus est entré pour nous en précurseur » (Hébreux 11,1 ; 8, 19-20). 

Foi, Espérance et Charité ne vont pas l’un sans l’autre. 

Je termine en vous suggérant, si vous ne l’avez vue, de regarder la célébration d’hier midi à l’intérieur de la cathédrale Notre-Dame de Paris en chantier : autour de la relique de la couronne d’épines, l’archevêque en prière, deux acteurs proclamant du Claudel, Péguy,… et Renaud Capuçon, au violon solo. Bouleversant ! Merci KTO !

Abbé Jean-Pierre Lorette

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